L’annonce de la cérémonie dans Excelsior
Dans son édition du 30 août 1934, Excelsior interroge Louis Marin, ministre de la Santé publique et de l’Éducation physique, sur la cérémonie prévue au lycée Pasteur le samedi suivant, 1er septembre.
AOÛT 1914 — AOÛT 1934
M. Louis Marin, ministre de la Santé publique nous parle de la cérémonie qu’il va présider samedi en souvenir de la création de l’ambulance américaine
APRÈS-DEMAIN samedi, à Neuilly, en présence de M. Jesse Isidor Straus, ambassadeur des États-Unis, M. Louis Marin, ministre de la Santé publique et de l’Éducation physique, entouré de membres du gouvernement, commémorera le vingtième anniversaire de la mise en service de la première ambulance de guerre américaine. Fête du souvenir français, qui est reconnaissance, fête de l’amitié franco-américaine, qui ne laisse passer aucune belle occasion de se manifester.
Deux plaques de marbre, l’une de texte français, l’autre de texte anglais, apposées sur les murs du lycée Pasteur, perpétueront la mémoire de l’acte généreux par lequel, dès le lendemain de la mobilisation, la colonie américaine de Paris témoignait à la France non seulement sa sympathie, mais sa confiance.
Cette cérémonie aurait pu avoir lieu le 3 août si l’on avait tenu, à la coïncidence des dates.
C’est, en effet, dans la nuit du 2 au 3 août 1914 qu’un groupe d’Américains résidant à Paris se réunirent autour de leurs compatriotes M. Laurence V. Benet et le docteur Chas. Winchester du Bouchet, chirurgien en chef de l’hôpital américain de Neuilly.
Roger VALBELLE.
(Suite page 3, colonne 2.)
Pour commémorer la création de l’ambulance américaine
(Suite de la page 1, colonne 1.)
Avec l’approbation tacite de leur ambassadeur M. Myron T. Herrick, ces hommes mirent en commun toutes les ressources dont ils disposaient et jetèrent leur dévolu sur un nouveau lycée dont la construction était à peine achevée. Réquisitionné par l’autorité militaire, le magnifique bâtiment et ses chantiers furent confiés à leurs soins. Dix-sept jours après tout était achevé par miracle, tout était prêt et deux cents lits — pour commencer — attendaient les blessés des premiers combats, ceux de la Marne et de l’Ourcq.
Deux cents lits prêts lors de la bataille de l’Ourcq
Rue de Tilsit, au ministère de la Santé publique, on fait diligence pour que cette fête réunisse les personnalités présentes à Paris. Les invitations sont faites au nom de M. Louis Marin, ministre de !a Santé publique et de l’Éducation physique, et de M. Laurence V. Benêt, grand officier de la Légion d’honneur, ancien président du conseil d’administration de l’Ambulance américaine.
— C’est vous qui avez pris l’initiative de cette manifestation ? demandons-nous à M. Louis Marin.
— Oui. Elle était simple et juste. Les Américains qui habitaient Paris le 2 août ont immédiatement décidé qu’ils devaient faire quelque chose pour manifester leurs sentiments. Les uns s’engagèrent, malgré les lois américaines. Le premier tomba le 20 août, sur la route de Pont-à-Mousson, à Nomény, dans le recul de Morhange. Ceux qui n’étaient pas en âge de porter les armes ont, dès le 3 août, demandé le lycée Pasteur pour y installer une ambulance. Décision spontanée. Je crois qu’ils ont été six cents. Tous volontaires. Aucun ne voulut rien toucher, et ils prouvèrent mieux que leur désintéressement leur cœur, en récoltant l’argent nécessaire aux États-Unis auprès de leurs parents et de leurs amis.
Plus de 13.000 soldats français soignés
» En trois ans, ils ont soigné plus de 13.000 soldats français. Ils ont eu des chirurgiens et un personnel de premier ordre, un matériel d’ambulance remarquable et, chose particulière, un matériel de transport à eux faisant la navette de l’ambulance au front. N’auraient-ils pas eu cet esprit de décision, auraient-ils agi avec moins de rapidité qu’ils auraient cependant organisé l’une des plus belles ambulances de guerre en utilisant strictement des volontaires et qu’ils ont trouvé des ressources considérables sans rien demander à l’État américain ou français. Ce sont là deux raisons suffisantes pour commémorer ce souvenir. Mais il en est une que j’estime plus belle encore. La voici : nos amis sont venus à nous avant la bataille de la Marne.
» Entre eux et ceux qui sont venus après, la différence est grande. Nombre de nos amis étrangers n’osaient pas regarder la situation en face. Ils craignaient que nous ne fussions écrasés. Je me souviens d’une grande personnalité suisse qui me résumait ainsi ses impressions : « Quand on voit, en Allemagne, la vie continuer comme en temps de paix et que l’on voit en France la vie si profondément modifiée, on ne peut se défendre d’un sentiment de crainte. »
Un acte de foi
» Les Américains qui créèrent cette ambulance de toutes pièces ont accompli, à mes yeux, mieux qu’une œuvre philanthropique un acre de foi dans la destinée de la France — et c’est très beau »
» Pour qu’une colonie étrangère fournisse dès le premier jour, six cents volontaires, il lui faut cette grande raison qui s’appelle sentiment. »
— Quels membres du gouvernement assisteront à cette cérémonie ?
— M. Barthou, le maréchal Pétain, M. Piétri, M. Mallarmé et le général Denain.
Ajoutons que lorsque l’Ambulance américaine entra, le 22 juillet 1917, dans les formations régulières de l’armée du général Pershing, elle représentait un effort financier de plusieurs centaines de millions et comptait six cent cinquante lits.
Excelsior du 30 août 1934 dans la bibliothèque numérique Gallica-BNF
Un compte rendu de la cérémonie dans Paris-soir
Dans son édition datée du 2 septembre 1934, Paris-soir publie un premier compte rendu de la cérémonie.
ON A CÉLÉBRÉ CET APRÈS-MIDI LES VINGT ANS DE L’HOPITAL AMÉRICAIN DE NEUILLY
Le lycée Pasteur à Neuilly est depuis ce matin occupé par les décorateurs qui placent des drapeaux et des fleurs aux fenêtres.
ON A CÉLÉBRÉ LES VINGT ANS DE L’HOPITAL AMERICAIN DE NEUILLY
Le lycée Pasteur, à Neuilly, connaît, cet après-midi, une animation singulière. Des drapeaux français et américains ornent sa façade, ainsi que l’entrée devant laquelle s’étale un long tapis rouge.
C’est cet après-midi, en effet, à 15 heures, que l’on commémore le vingtième anniversaire de la fondation de l’ambulance américaine. Deux plaques, l’une en français, l’autre en anglais, sont inaugurées. En voici le texte :
1914
Dès les premiers jours d’une guerre où la Justice et la Liberté étaient menacées,
Les Américains résidant en France dans un élan fraternel qui fit d’eux un corps d’élite et l’avant-garde véritable de leurs armées, organisèrent ici, avec le concours généreux de leurs concitoyens l’ambulance américaine où, dès le 1er septembre 1914 et jusqu’au 22 juillet 1917, douze mille soldats français furent soignés par des volontaires avec un inlassable dévouement.
« Ainsi fut affirmé dans la plus rude des épreuves — lit-on encore —, alors que la fortune des armes semblait indécise, la permanence d’une amitié imprescriptible. »
Et parce que la France se souvient, de nombreuses personnalités assistent à cette émouvante cérémonie du XXe anniversaire.
À côté du parloir on a dressé une tente décorée de drapeaux français, américains et de la croix-rouge. C’est là que prennent place les membres du gouvernement qui ont tenu à donner à cette cérémonie du souvenir un caractère d’hommage officiel, MM. le maréchal Pétain, Marin, Barthou, Pietri, Justin Godart, Villey, préfet de la Seine, Langeron, préfet de Police ; les représentants du Conseil général, du Conseil municipal de Paris, etc., entourent les représentants des États-Unis et Clarence Bennet.
Deux anciens blessés soignés à l’ambulance américaine découvrent les plaques qui rappellent, gravée dans leur marbre, l’amitié du peuple américain qui s’est manifestée dès les premières heures de la guerre.
Paris-soir du 2 septembre 1934 dans la bibliothèque numérique Gallica-BNF
Un compte rendu de la cérémonie dans Le Journal
Dans son édition du 2 septembre 1934, Le Journal publie un compte rendu de la cérémonie.
Une grandiose manifestation d’amitié franco-américaine
CINQ MINISTRES ASSISTENT À LA COMMÉMORATION
de la fondation, en 1914, de l’ambulance de Neuilly
On a commémoré hier, au lycée Pasteur de Neuilly, la fondation, il y a vingt ans, de la première ambulance américaine de la guerre. Toute la façade du lycée avait été ornée de plantes vertes et pavoisée aux couleurs des deux pays. Une assistance nombreuse a applaudi aux discours de MM. Louis Marin et Isidor Straus, ambassadeur des États-Unis. En haut : une vue de la cérémonie ; En bas : le départ des ministres français ; de gauche à droite : MM. PIETRI. BARTHOU et le maréchal PÉTAIN. — (En 4e page, 1re colonne, le compte rendu de la cérémonie).
LE 20e ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION
de la première ambulance américaine de guerre
Parmi tous ceux qui, hier, à 15 heures, se pressaient devant les plaques jumelles rédigées en français et en anglais, qui orneront désormais, à Neuilly, les murs du lycée Pasteur et commémoreront la création, dès août 1914, de l’ambulance américaine, il ne manquait point de vétérans qui gardent au cœur le souvenir de ces jours héroïques.
Et chacun d’entre eux aura pensé, sans aucun doute, à ceux qui furent les créateurs et les animateurs de cette fameuse ambulance américaine qu’ils ne craignirent point d’organiser, pour venir en aide à la France meurtrie, plusieurs années avant que les premières troupes américaines passent l’Océan.
Ce dévouement, ces généreux efforts, M. Louis Marin, ministre de la santé publique, qui, entouré de plusieurs membres du gouvernement, dont le maréchal Pétain, MM. Louis Barthou et Piétri, le général Denain et de nombreuses personnalités franco-américaines, présidait à la cérémonie, les a longuement exaltés dans le discours qu’il adressa plus particulièrement à M. Laurence V. Benet, l’un des fondateurs.
Il est des souvenirs, a-t-il déclaré notamment, qui se fixent profondément dans l’esprit populaire et se transmettent de génération en génération. Lorsque, en 1917, il a remis officiellement aux autorités américaines cette ambulance « bénévole », où tant des nôtres avaient été si fraternellement accueillis, mon ami Justin Godart, alors sous-secrétaire d’État à la guerre, s’est porté garant de la mémoire de notre peuple et il vous a dit, cher monsieur Benet, que vos compatriotes et vous pouviez être assurés d’avoir créé, en ces jours d’épreuve, une œuvre qui ne disparaîtra jamais de l’esprit ni du cœur des Français.
Dix-sept ans après, devant lui, je vous renouvelle l’assurance qu’il vous a donnée ce jour-là. Je suis l’interprète de tous ceux qui voudraient pouvoir vous redire leur gratitude et, d’abord, de nos soldats, des anciens blessés que vous avez accueillis par milliers, ici-même, et qui n’ont cesse de vous être reconnaissants du réconfort qu’ils ont trouvé à l’ambulance américaine. Un grand nombre sont là.
M. Jess Isidor Straus, ambassadeur des États-Unis, après un discours de M. Laurence V. Benet et une brillante improvisation de M. Barthou, devait d’émouvante façon répondre à ces éloquentes paroles :
L’histoire de cette ambulance américaine, affirma-t-il, est un bel anneau dans la chaine de l’amitié franco-américaine, chaînon soudé par l’énergie et la prévision du petit groupe initial qui conclut le plan de 1914, ainsi que par la bravoure des hommes en uniforme kaki qui conduisirent les ambulances et qui, selon les mots d’Alan Seeger, « ne cherchaient ni récompense ni gloire, ni ne voulaient être différents de leurs camarades en bleu horizon dont ils étaient fiers de partager le sort jusque dans la mort. »
Il me semble qu’il est particulièrement opportun qu’avec les volontaires de l’escadrille La Fayette, les précurseurs de l’armée du général Pershing fussent ces conducteurs d’ambulances qui, au plus fort de la mêlée, allèrent secourir et réconforter les soldats de France. Dans tous les secteurs du front, leur infatigable dévouement impliquait la promesse que, pour les États-Unis, bien qu’éloignés de la zone du combat, le moment viendrait, comme l’a dit le président Wilson, où la nation américaine ne pourrait conserver à la fois et son honneur et la paix et où, contrairement à toute tradition, elle prendrait sa place sur la ligne de feu en Europe.
Au reste, le libellé de la plaque ainsi inaugurée n’en disait-il point autant que le meilleur des discours, puisque après un sobre résumé de l’œuvre accomplie par les volontaires de l’ambulance on y peut lire la conclusion suivante :
Ainsi fut affirmée dans la plus rude des épreuves, alors que la fortune des armes semblait indécise, la permanence d’une amitié imprescriptible.
Le Journal du 2 septembre 1934 dans la bibliothèque numérique Gallica-BNF
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Les premières années du lycée Pasteur dans la presse parisienne (1912-1934)