À la veille des élections municipales des 1er et 8 mai 1892, le général Henrion-Bertier, maire sortant de Neuilly et candidat à la réélection, se déclare favorable à la création d’un lycée de garçons. Le 20 mai 1893, après la réélection de sa liste, il réunit une « commission du lycée » qui désigne en son sein une sous-commission « chargée d’examiner toutes les questions relatives à la création d’un lycée ». Dans le rapport qu’elle présente le 9 novembre, la sous-commission s’emploie à démontrer que le lycée est à la fois nécessaire et possible. La commune connaît alors une forte croissance démographique — 16 000 habitants en 1872, 25 000 en 1881, 29 000 en 1891 — et dispose de terrains vacants susceptibles d’accueillir un surcroît de population. Les communes suburbaines environnantes abritent en outre un grand nombre d’habitants. Or les lycées les plus proches, Janson-de-Sailly et Condorcet, ne peuvent accueillir tous les élèves de l’ouest parisien et restent difficilement accessibles depuis Neuilly. La sous-commission s’est assurée du concours financier de l’État pour la moitié de la dépense et anticipe celui du conseil général de la Seine. Le parc de Neuilly, la Seine et ses îles, les jardins de Saint-James et le bois de Boulogne, observe-t-elle, sont « autant de réservoirs d’air pur assurant à la ville des conditions hygiéniques de premier ordre ». Le 10 novembre 1893, le conseil municipal se déclare favorable à la création d’un lycée et réitère son vote le 23 février 1894, mais le projet est finalement ajourné, en raison du revirement du maire et de la désunion du conseil, le 26 avril 1895. Pour marquer leur désaccord, onze conseillers municipaux donnent leur démission. C’est une « révolution municipale », écrit La Presse du 29, une « petite révolution, pacifique il est vrai, à propos d’un lycée », selon Le Figaro du 30. Candidats à la réélection, les démissionnaires sont battus le 26 mai, lors des élections complémentaires, par la liste de la majorité municipale. « Neuilly n’aura pas, conclut L’Univers du 28, le lycée inutile que la minorité voulait lui imposer. »
Devenu maire après les élections municipales des 3 et 10 mai 1908, élu député de la Seine le 19 novembre 1911, en remplacement d’Hector Depasse, décédé en septembre, Édouard Nortier mène en revanche la création du lycée à son terme. Comme en 1892, elle trouve sa justification dans l’augmentation de la population : 33 000 habitants en 1896, 41 000 habitants en 1906. Après son élection à la mairie, en juin 1908, Édouard Nortier est reçu par Gaston Doumergue, ministre de l’Instruction publique dans le premier cabinet Clemenceau, et Joseph Caillaux, ministre des Finances. Le premier exprime « toutes ses sympathies pour ce projet dont la réalisation serait extrêmement utile non seulement à Neuilly et à la banlieue, mais encore aux familles parisiennes heureuses de donner leurs enfants à un établissement d’enseignement secondaire qui serait situé dans les conditions d’hygiène les plus favorables, dans le parc de Neuilly. » Le second partage l’intérêt du premier pour le projet, mais invite la municipalité à « faire un effort de plus ». Le 9 décembre, le conseil municipal s’engage à contribuer à la construction de l’établissement à concurrence de 50 p. 100 de la dépense, l’autre moitié étant couverte par une subvention de l’État. Le 17 décembre 1909, il approuve un avant-projet d’un montant de 4 800 000 francs. Par les décrets des 10 mai et 29 décembre 1910, l’État lui accorde une déclaration d’utilité publique autorisant le maire à acquérir à l’amiable ou par voie d’expropriation les terrains nécessaires à la construction et le droit d’émettre un emprunt destiné à leur acquisition. Le 11 juillet 1911, le conseil général de la Seine accorde à son tour une subvention de 300 000 francs. Désigné comme architecte le 10 février, Gustave Umbdenstock, professeur à l’École polytechnique et à l’École des beaux-arts, soumet des plans complets en moins d’un an. Le conseil municipal les adopte le 31 janvier 1912 et les présente au public, à l’hôtel de ville, du 28 avril au 3 mai. Dans le journal des sports L’Aéro du 8 mai, l’artiste, écrivain et critique d’art Pascal Forthuny se livre à une exécution en règle : « Comment ne pas crier sur les toits qu’un véritable crime va être commis à Neuilly-sur-Seine ? » s’alarme-t-il, avant d’ajouter : « M. Umbdenstock s’est appliqué au plus affligeant des plagiats. Il se propose demain de reconstruire un morceau de place des Vosges à Neuilly, une place des Vosges maquillée, sans esprit, sans proportion, une caricature de place des Vosges. » Il appelle pour terminer les « bons citoyens » à se coaliser pour empêcher la construction : « Le péril est imminent. Neuilly, pourtant, va-t-il accepter les yeux fermés ce projet qui heurte le bon sens ? Il ne lui suffit donc pas d’avoir un hôtel de ville abject ? » Rien ne laisse penser qu’il exprime, dans ce morceau de bravoure polémique, un sentiment général.
La décision de construire un lycée | La construction du bâtiment d’Umbdenstock | La transformation du bâtiment en ambulance | L’inauguration du lycée dans ses murs | La naissance d’un lieu de mémoire | Du second après-guerre au centenaire du lycée