La construction commence à l’été 1912. Délimité par le boulevard d’Inkermann et les rues Pauline-Borghèse et Perronet, le terrain forme un trapèze de 12 317 mètres carrés, mais comprend, sur son grand côté, une zone de servitude non ædificandi de 20 mètres de large. Avant 1848, la parcelle dépendait du château de Neuilly, propriété du duc d’Orléans depuis 1819 et résidence privée de Louis-Philippe, roi des Français après les Trois Glorieuses. Réuni à celui du château de Villiers, le parc s’étendait sur 170 hectares, entre les îles de la Seine et l’enceinte de Thiers, l’avenue du Roule et la rue de Villiers. C’est la chute de la monarchie de Juillet, le 24 février 1848, qui entraîne le démembrement du domaine. Aux premières heures du 25, le parc est envahi par des émeutiers venus de Paris et les deux châteaux sont livrés au pillage et à l’incendie. Après le 2 Décembre, le prince-président Louis Napoléon Bonaparte prend trois décrets, datés des 22 janvier et 27 mars 1852. Les deux premiers privent les Orléans de tous leurs biens en France, le troisième autorise l’aliénation du domaine de Neuilly. Loti sous le Second Empire, le parc est percé par sept boulevards de 30 mètres de large et neuf rues de 15. La voie qui le coupe en son milieu trouve son nom dans la bataille d’Inkermann, une victoire franco-britannique de la guerre de Crimée, pendant le siège de Sébastopol, le 5 novembre 1854. Sous la Commune, après la prise du pont de Neuilly, devant l’avancée des versaillais, les fédérés érigent des barricades, au rond-point d’Inkermann et dans la rue Perronet — parfois écrit Peyronnet. « On entendait incessamment, se souvient Louise Michel, sur le parc de Neuilly grêler les balles à travers les branches avec ce bruit des orages d’été que nous connaissons si bien. L’illusion était telle qu’on croyait sentir l’humidité tout en sachant que c’était la mitraille. Il y eut à la barricade Peyronnet, près de la maison où était Dombrowski avec son état-major, des déluges d’artillerie versaillaise, pendant certaines nuits, on eût dit que la terre tremblait et qu’un océan se versait du ciel. » Reconstruit sous la IIIe République, le quartier abrite des habitations, des ateliers et des remises, des serres et des jardins. La construction du lycée requiert l’expropriation des terrains qui lui sont destinés et la démolition des bâtiments qu’ils supportent.
Les travaux s’achèvent à l’été 1914. Ouvert sur le boulevard d’Inkermann par une façade de 150 mètres de long, le bâtiment d’Umbdenstock s’élève sur trois étages, abrite une vaste cour intérieure et emploie un matériau nouveau dans la fabrication de ses planchers, le ciment armé. Librement inspirées de la première Renaissance française — l’aile Louis XII du château de Blois — et du style Louis XIII — les hôtels de la place des Vosges —, ses façades ajourées de baies cintrées ou rectangulaires et ses toits à pente raide marient la pierre, la brique et l’ardoise. « La pierre de taille ne s’impose pas pour l’ensemble des façades, écrivait Gaston Doumergue, dans une lettre au maire, le 2 décembre 1909 ; au contraire sa combinaison avec la brique permet de réaliser une économie sérieuse et par le moindre volume employé, et par la suppression des motifs sculpturaux. Il peut même en résulter une architecture moins sévère, d’un effet plus gracieux comme il convient à un édifice d’enseignement secondaire. » Une tour d’angle flanque le bâtiment au sud et son pavillon central, agrémenté d’un avant-corps à fronton sculpté, est surmonté d’un campanile pourvu sur ses quatre faces d’un cadran d’horloge et d’une inscription gravée en lettres d’or : « L’heure française sonnera toujours », à l’est ; « Quand l’heure sonne, homme sois debout », au sud ; « L’heure revient, l’homme ne revient pas », à l’ouest ; « Toute heure blesse, la dernière tue », au nord. Dans la cour intérieure, le cartouche du fronton central ne porte qu’un seul mot : « Patrie ». Au-dessus du perron d’honneur, tourné vers le boulevard d’Inkermann, un haut-relief d’applique haut de 60 centimètres figure une femme. Coiffée d’un casque ailé et revêtue d’une armure, elle porte une épée au côté, s’appuie sur un bouclier et brandit une torche. C’est une allégorie de la République.
L’établissement scolaire est ouvert par un décret du 30 mai 1914. Son nom lui avait été donné l’année précédente, sur proposition de la municipalité, par un décret du 23 novembre 1913 : « Le lycée de garçons de Neuilly prendra le nom de lycée Pasteur ». Dans un courrier du 7 juillet, le ministre de l’Instruction publique informe le maire de Neuilly de l’entrée en fonction du proviseur, de l’économe et d’un commis aux écritures, à compter du 16, et le prie de les installer dans l’aile Perronet, en attendant que les appartements et cabinets du pavillon central soient prêts à les accueillir. Dans la journée du 17, après la prise de fonction de son premier proviseur — Alphonse Fleureau —, le lycée reçoit la visite d’un journaliste du Petit Parisien. Publié dans l’édition du lendemain, sous le titre « On a achevé d’édifier à Neuilly-sur-Seine un lycée de garçons », son compte rendu annonce l’inauguration de l’établissement en octobre, loue la modernité du bâtiment et ajoute : « Jamais, sans doute, dans notre pays, on n’a témoigné autant de sollicitude éclairée aux jeunes générations qui, demain, constitueront les forces vives de la nation, formeront les réserves sur lesquelles elle pourra compter. » Le voyage par voie de mer du président de la République en Russie fait l’objet le même jour d’un article intitulé : « Tout va bien à bord ».
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